LE CHILI EXPORTATEUR
14.02.2024 11:06
Roberto Santana
mai 2023
La Concertation Démocratique a profité de la basse économique crée par la dictature dans les années 70 et 80 du vingtième siècle. Ces succès dans la croissance économique ont été obtenus au prix de sacrifier la durabilité du développement et de créer les conditions pour l’apparition d’un période durable d’instabilité sociale.
Effectivement, les premiers pas de la transition économique initiée par la dictature dans les années soixante dix se sont en grande partie confirmés comme la source d’un processus de modernisation de la structure productive et d’une croissance spectaculaire de l’économie accompagnée d’une modernisation rapide de la société chilienne. Les gouvernements démocratiques qui ont remplacé la dictature n’ont fait autre chose que contribuer à renforcer un tel mouvement et en cela, ils ont fait une contribution indéniablement fondamentale à l’économie nationale.
Cette réussite sur le plan économique c’est faite sous les normes d’un néolibéralisme où l’Etat avait été en grande partie démantelé par la dictature pour laisser le champ libre à l’initiative privée, le marché décidant ce que convenait le mieux au pays. Aucun secteur de l’économie n’échappe à ces principes et on trouvera dans les succès évidents des premiers gouvernements démocratiques toutes sortes de négligences aussi bien sur le plan écologique et environnemental que sur les conditions de travail et de vie de vastes secteurs de la société.
Le rôle principal de la production minière.
Le cuivre a continué d’être à la tête de la production mondiale et des exportations, mais avec une augmentation considérable des chiffres, tout cela grâce à l’arrivée de nouveaux capitaux, aux changements technologiques introduits et à l’apparition de nouveaux marchés, surtout la Chine et autres pays asiatiques. De nouveaux produits miniers, très recherchés pour leur condition stratégique, se sont développés à coté du cuivre ; aujourd’hui les exportations chiliennes de ces nouveaux minerais, notamment le Lithium (31% de la production mondiale) et le molybdène (23 % de la production mondiale) inscrivent un nouveau potentiel exportateur d’origine minière. La contribution de l’ensemble des ressources minières aux exportations chiliennes représente en 2020 entre 11,0 et l 16,0% du total.
Nous ne rentrerons plus en détail sur ce créneau des exportations chiliennes car, historiquement cela a été une vocation du pays : l’exportation de ressources naturelles. Rappelons l’époque des exportations mondiales de salpêtre au début du XXème siècle, suivie des exportations mondiales du cuivre. Les problèmes environnementaux et sociaux crées par les exploitations minières font partie d’une histoire bien connue de l’activité des entreprises opérant au pays. Mais pendant la période démocratique, ces problèmes environnementaux et sociaux se sont exacerbés.
Nous préférons porter notre attention sur les nouveaux produits d’exportation, qui rendent compte de la diversification de la structure productive, favorisé par l’ouverture aux marchés internationaux : les produits forestiers, les fruits divers, le vin et le saumon.
Le complexe exportateur de fruits.
Dans les quinze dernières années la fruiticulture de Chili s’est consolidée comme l’un des principaux pôles d’exportation avec des valeurs d’exportation de fruits frais arrivant à près de 2. 500 millions de dollars en 2020. Il faut encore ajouter la valeur des exportations de fruits industrialisés. Les exportations de fruits frais, elles seules représentent le 25,0% du total exporté par le secteur agricole et du bétail. Pour plusieurs des espèces exportées le Chili est depuis 2005 leader au niveau international: en avocats détenait le second rang au niveau mondial, le troisième en kiwi, en raisin de table et cerises, le quatrième, et en pommes la sixième place[1]
Quant à sa distribution géographique, même si la production de fruits se réalise depuis le nord du pais jusqu’à à la région des lacs dans le sud, elle se concentre principalement dans la région centrale allant depuis la vallée d’Aconcagua et Valparaiso jusqu’à la région du Maule, couvrant la zone de climat méditerranéen du pays. L'importance croissante du secteur de l'arboriculture fruitière dans la région centrale apparaît clairement quand on analyse la part des arbres plantés depuis 1982 dans l'occupation des sols[2]. C'est une grande extension où domine le "complexe fruits-export", dont le moteur principal est l'articulation des producteurs dans des processus d'intégration verticale autour de la commercialisation à l'exportation et de l'agro-industrie.
En effet, en 1982, la région centrale méditerranéenne détenait 88,7% de la superficie des arbres fruitiers en plantations compactes, et malgré une augmentation relativement importante des plantations fruitières dans le sud, entre l‘année citée et 1997, la région centrale représentait encore, 71,9% de la superficie plantée dans le pays[3].
Il est vrai que les conditions de sol, d'eau et de climat méditerranéen font du centre de Chili la zone par excellence pour les arbres fruitiers les plus dynamiques, à savoir les pommes, les poires, les nectarines, les raisins de table et les prunes. Mais on ne peut oublier un facteur géopolitique jouant un rôle décisif: le fait que le pays soit situé dans l'hémisphère sud et bénéficie d'une part de l'avantage comparatif d'offrir des fruits de contre-saison aux consommateurs des pays développés de l'hémisphère nord et, d'autre part, l’avantage du fait que quand les exportations chiliennes ont démarré il y avait peu de concurrents sur le marché international.
Une fois encore, ni le potentiel agro-écologique, ni les avantages comparatifs découlant de la situation du Chili dans l'hémisphère sud n'auraient pu être valorisés sans la libéralisation douanière et l'affirmation d'un modèle économique ouvert aux marchés internationaux. Le soutien de l'État à cette stratégie d'exportation fera le reste.
Donc, depuis l'époque de la réforme agraire se sont opérées des transformations importantes dans le paysage rural, qui sont liées au fort investissement de capitaux, à l'apparition de nouveaux entrepreneurs agricoles, à la spécialisation productive, à l'introduction de technologies de pointe, à l'articulation des producteurs avec l'agro-exportation et à la modification des relations de travail[4].
Les agriculteurs qui se sont lancés dans le commerce international des fruits ont dû faire des investissements considérables. Selon des sources diverses, l'investissement en capital nécessaire au cours des deux premières années pour planter un hectare de raisin de table en 1985 était d'environ six mille dollars, tandis que pour les pommes, il fallait investir près de 3 000 dollars, dont un pourcentage minimum correspondait aux salaires et le reste à l'utilisation massive de technologies avancées.
Toutefois, la disponibilité du capital des producteurs de fruits d’exportation ne leur permet pas d'investir dans les processus de stockage, d'emballage, de transport et d'exportation, que ce soit de manière isolée ou en groupe, de sorte que la grande majorité d'entre eux est obligée de passer par les entreprises d'exportation, qui sont celles qui possèdent les emballages pour l’expédition, les chambres de stockage à atmosphère contrôlée qui sont reliées aux importateurs des pays de destination. Ainsi, le continuum des plantations fruitières est complété dans la zone rurale par des installations vastes et colorées, des bâtiments aux lignes architecturales typiques des installations industrielles et commerciales modernes, qui sont venus remplacer les anciens bâtiments des domaines, notamment les maisons des anciens locataires et employés permanents, démodées et démolies par les entreprises.
Le secteur de l'exportation est principalement contrôlé par de grandes entreprises fruitières transnationales[5] et les quelques entreprises nationales d'exportation auxquelles participent les producteurs directs doivent leur faire concurrence dans des conditions désavantageuses en raison de leur capacité financière et de leur niveau technologique inférieur. Nous sommes alors le plus souvent confrontés à des entrepreneurs agricoles qui, incapables de créer leur propre processus d'intégration verticale, produisent et commercialisent sous contrat, lequel est signé des mois avant la récolte, laissant les producteurs soumis aux normes techniques de contrôle de qualité et aux calendriers définis par les entreprises. Comme pour toute agriculture contractuelle, les entreprises peuvent avancer de l'argent, accorder des crédits d'exploitation, etc. Les frais de gestion facturés par les sociétés exportatrices variaient au début du siècle entre 8 et 10 % du montant total de l'opération.
Les fruits sont également commercialisés auprès des usines de transformation pour la mise en conserve, les jus naturels ou le traitement des fruits secs. Ici aussi, les producteurs livrent selon un contrat, qui n'est souvent pas établi dans une relation directe avec les entreprises, puisque les complexes agro-industriels ont tendance à externaliser les responsabilités contractuelles via des entreprises sous-traitantes.
L’activité fruitière a provoqué une transformation complète des campagnes autant sur la main d’œuvre, devenue majoritairement temporaire et amplement féminine sur le travail à la chaîne dans les établissements d’emballage et d’expédition vers l’exportation. L’ensemble des travailleurs du secteur est soumis à de longues journées de travail et à des salaires très modestes, victime d’un excédent de main d’oeuvre provoqué par la restructuration capitaliste opérée des les campagnes. En même temps la vie des ouvriers en campements dans les proximités des plantations se généralise y devient précaire.
Si la question sociale reste un problème, il en est de même de l’environnement et les ressources naturelles qui se voient affectés par l’expansion des plantations, en particulier en ce qui concerne l’utilisation de l’eau. La privatisation de l’eau au bénéfice des entreprises crée des situations insoutenables pour certaines localités et beaucoup de petites villes souffrent de son approvisionnement, obligées à recourir à la distribution d’ eau par camions citernes. Aussi l’expansion des plantations au pays méditerranéen est en train d’épuiser dangereusement les nappes phréatiques.
Le conglomérat forestier.
Dans le contexte de crise agricole des années soixante dix, le reboisement est apparu comme un secteur dynamique dans l’espace rural, principalement dans les régions du Biobío et Cautin (Araucanie). Le conglomérat forestier produit des copeaux, bois élaboré, cellulose, papier, meubles d’exportation. Entre 1973 et 1995 les exportation de ce groupe de produits est déjà passé de 105 millions de dollars à 1.800 millions (CEPAL)[6]. En 2020 les exportations de produits forestiers totalisant US$ 4.948 millones, apportaient ainsi plus de 3,0 % du total du PIB chilien.
Cette rapide montée en puissance de l’activité forestière a des antécédents dans les plantations historiques liées à l’activité minière du charbon, dans les reboisements opérés par la CONAF dans les années soixante dix et surtout dans les mesures de libéralisation adoptées par la dictature pour stimuler les exportations. Le gouvernement militaire a fait du développement forestier un point fort de sa politique, comptant sur les énormes domaines expropriés pendant la reforme agraire qu’elle a privatisés, principalement au sud du fleuve Biobío[7].
La législation des forêts datait au Chili de 1931 et les militaires la substituèrent par le Décret n° 701, qui entre autres choses subventionna 75,0% des coûts des reboisements, exonérant d’impôts les terres forestières et plantations ainsi que les héritages et donations impliquant une vocations forestière. Par ailleurs, entre 1975 et 1979 la Banque Centrale a octroyé aux banques commerciales et à la Banque d’Etat une ligne de crédit spéciale destinée aux projets de développement forestier, avec des conditions très favorables afin de stimuler les investissements.
Avec la garantie que l’opération allait être presque gratuite, se sont lancés dans les plantations, à presque 80% de toutes les opérations, les grands groupes économiques profitant d’une période où l’argent pouvait être obtenu facilement sur le marché international. Ce qui explique la spectaculaire croissance de la superficie occupée par les plantations majoritairement de pinus radiata, l’espèce le plus adaptée aux conditions chiliennes favorisant une croissance rapide.
L’envergure actuelle des plantations dans la régions du centre-sud du pays a changé considérablement le paysage rural, à tel point que dans la région du Biobío l’abandon de l’ancien usage agricole et du bétail a laissé la place à un paysage presque entièrement forestier. Cette seule région fourni le 70% des exportations chiliennes d’origine forestière[8]
L’extension de l’activité du bois dans le centre-sud du pays et l’énorme impact du secteur sur les exportations chiliennes ne se fait pas sans contradictions et conflits qui ont un impact social négatif. Une des grandes contradictions du secteur est que dans les régions où il y a la plus grande activité forestière la population n’a pas vu améliorer sa qualité de vie, ayant les indices de développement humain les plus bas du pays. D’autre part, dans l’Araucanie, les activités liées aux grands groupes forestiers sont aujourd’hui en conflit ouvert avec le peuple Mapuche car celui-ci revendique des terres occupées aujourd’hui par de plantations des forêts, dénonce l’impact environnemental négatif sur ses propres terres et activités agricoles. Tout cela fait des provinces de Malleco et Cautín un territoire de violence permanente où l’Etat ne trouve jusqu’à maintenant d’autre solution que la répression.
Modernisation de la viticulture et création d’une vocation exportatrice.
L'autre domaine qui a joué un rôle important dans la modernisation du Chili central est l'intensification des vignobles et leur réorientation vers la production de vins d'exportation. Cela ne signifie pas que les raisins de table ne participent pas également à l'exigeante activité d'exportation, leur production étant principalement concentrée dans les provinces d'Aconcagua et de Valparaíso. Le vin chilien attire l'attention sur la scène internationale depuis une vingtaine d’années. Jusqu'en 1973, le commerce du vin est resté confiné au marché intérieur, les exportations ne représentant que 1,0 à 2,0 % de la production nationale. Il y a certaines raisons de penser qu'au-delà de l'hétérogénéité de l'offre de vin chilien, résultant de l'absence de réglementation permettant une discrimination sur les appellations d'origine et la qualité finale, c'est surtout l'absence d'une politique d'exportation volontariste (privée et publique) qui conduisait à cette sorte de "provincialisme" de la part des vignerons chiliens.
En 2020 le Chili est devenu le quatrième pays exportateur de vin au niveau mondial. Dans les 20 dernières années la progression en volume et en valeur a dépassé les 200%. Les facteurs décisifs qui ont permit cet exploit : la progression énorme sur la qualité des vins produits et la régularité de la production sur plusieurs années ; des prix très compétitifs et bien adaptés aux différents marchés et enfin, des négociations commerciales de pays à pays dans le but de limiter ou d’effacer les droits et taxes d’importation[9].
La création de la vocation exportatrice du vin chilien a une histoire qui vient de loin, a des antécédents dans la période précédant 1973 où s’étaient produit des transformations structurelles dans les grandes vignobles travaillant pour le marché intérieur. D'une part, les grands vignobles avaient cessé d'être des entreprises familiales et étaient devenus des sociétés anonymes, ce qui permettrait à terme l'entrée de nouveaux capitaux, et d'autre part, un processus de concentration des moyens de production s'était opéré autour des plus grands vignobles : seules 10 entreprises avec 3 % de la surface plantée représentaient 20 % de la production en 1969.
Quant aux petits producteurs, vivant pour la plupart dans les terres arides, véritables "acteurs de l'opacité" d'un commerce toujours identifié au leadership des grands vignobles et des grands noms, leur importance dans la production nationale n'a jamais été bien quantifiée. Elle était cependant considérable : seuls ceux qui se sont organisés en coopératives (avec un fort encouragement officiel à partir des années 1960), soit 1500 membres, ont contribué à 20% de la production nationale en 1973. Fait intéressant : leurs vignobles exploitent les cépages traditionnels venant de l’époque coloniale, notamment l'Italia pour le vin blanc et le País pour le vin rouge.
José del Pozo, dans son histoire du vin chilien[10], un ouvrage que nous suivrons de près, examine les facteurs déterminants de l'actuel boom des exportations du vin chilien et, plus largement, de ce qui ressemble à une « véritable révolution », à la fois structurelle, technologique et managériale.
Après la période d'attente des années 1970, les grands vignobles sont entrés pleinement dans le "modèle d'exportation". Du monde tranquille des vignobles de la période précédente, la fin de cette décennie a vu une vaste restructuration de l'activité viticole, provoquant une crise de la petite et moyenne production, comme nous l'avons déjà vu, mais obligeant également à une restructuration de la propriété des entreprises. De nombreux anciens grands domaines viticoles se sont associés à des capitaux étrangers (Franciscan Vineyards, Hampton, Marnier-Lapostolle, Mouton-Rothschild...) ou à de grands groupes économiques chiliens (BHCH, Cervecerías Unidas, groupe Cruzat Larraín...). Les nouvelles grandes entreprises ne se limitent pas, comme auparavant, à leur terre d'origine, mais acquièrent des propriétés dans différentes parties du pays viticole, dans le but d'étendre l'échelle de leurs opérations et de diversifier leurs produits en achetant différentes marques d'origine.
La révolution technologique qui a favorisé la production de vins de qualité exportables est venue cette fois du côté espagnol (au XIXe siècle, elle était venue du côté français, avec l’implantation des cépages bordelais ), puisque c'est le producteur Miguel Torres qui a été le premier à introduire de nouvelles techniques d'élaboration du vin, comme l'utilisation de cuves en acier pour mieux contrôler la fermentation, des dispositifs efficaces de contrôle du processus, etc. permettant d'obtenir des vins plus légers et fruités, plus adaptés aux palais européens ou américains.
Torres sera suivi par des vignerons français, américains et anglais. Quant aux systèmes de travail dans les vignobles, le changement est radical : la modernisation réduit la demande de main-d'œuvre, les travailleurs vivant dans les domaines disparaissent, les ouvriers deviennent des salariés nets, le travail temporaire augmente... Parallèlement, de nouveaux vignobles ont été achetés et créés par des investisseurs d'origine chilienne ou étrangère, un processus inédit qui donne naissance à un nouveau type de vignoble : des petites ou moyennes entreprises spécialisées dans la production de vins fins adaptés aux consommateurs riches des pays développés (les vignobles "boutique"). Ces entreprises représentent le pôle opposé de ces petits et nombreux producteurs de taille moyenne qui ont été sauvés de la crise des années 70 mais qui n'ont pas pu s'adapter, ou le font avec beaucoup de difficultés, uniquement pour être compétitifs sur le marché intérieur.
Le saumon, envahisseur de la mer patagonienne.
La production de saumon n’a pas une longue histoire au Chili, elle ne remonte qu’aux années 80 : en 1985 elle s’élevait à 10 tonnes tandis que dix ans plus tard représentait déjà 140.000 tonnes[11]. Cette croissance spectaculaire a été favorisée par les conditions naturelles exceptionnellement adaptées au saumon dans le sud de Chili : qualité des eaux, proximité entre eaux douces et salées.
Aujourd’hui, il s’agit du deuxième produit d’exportation du Chili, immédiatement après le cuivre. Le marché est florissant : les ventes à l’étranger de saumons et de truites ont bondi de 33 % entre 2012 et 2021, représentant près de 650 000 tonnes et plus de 5 milliards de dollars en 2021, selon Salmon Chile[12]. Ce qui situe le Chili comme le second producteur mondial de saumon après la Norvège.
Les premières implantations ont commencé dans les années 80 dans les provinces de LLanquihue et dans l’archipel de Chiloé. La croissance des années 1980 et 1990 fut assurée par une abondante main d’œuvre non qualifiée et bon marché, surtout dans la province de Chiloé, main d’œuvre exposée toujours aux aléas des entreprises qui traversent différentes crises par manque de contrôle sur l’alimentation des saumons, l’impact négatif sur l’environnement et des virus attaquant les poisons. Mais dans un deuxième temps le système d’alimentation s’automatise et l’industrie est amenée à faire appel à une main d’oeuvre qualifiée mais moins abondante. D’où, crise de l’emploi et problèmes sociaux dans la région des Lacs, principalement Chiloé.
Dans les années 2000 les nouvelles implantations débordent sur le sud, occupant les fiords et canaux de la Patagonie qui ont des eaux tranquilles, protégeant ainsi de l’océan les cages où se trouvent les saumons. Les provinces d’Aysén et de Magallanes sont aujourd’hui également envahies par des cages, profitant de concessions maritimes amplement favorables aux entreprises.
La croissance extraordinaire du secteur ne s’est pas faite sans inconvénients : succession de crises environnementales, résistance des populations locales aux actions considérées irresponsables des entreprises vis- à vis de l’environnement et vis à vis des intérêts des habitants locaux. Mais à côté de cela, il faut reconnaître que l’industrie du saumon avec ses multiples nécessités de fonctionnement a opéré comme facteur de développement d’autres industries et activités, entre autres la fabrication d’aliments pour les saumons, la fabrication des cages, des bateaux, des filets, des structures flottantes, etc., etc.
L’effet le plus remarquable est sans doute l’activation des marchés locaux provoqués par la salarisation massive et l’arrivée de cadres et personnels de direction de l’extérieur. La population urbaine a augmentée considérablement et l’urbanisation a connu un coup d’envoi. A Chiloé en particulier, l’effort des architectes a permis la modernisation de l’architecture traditionnelle en bois, modernisant ce patrimoine avec des apports partiels de nouveaux matériaux, jouant avec la luminosité, transformant le destin de certaines structures de base.
Il faut enfin soulever les effets indirects de la présence de cette industrie sur les travailleurs locaux liés à la pêche artisanale et aux activités maritimes, beaucoup devenant des petits, voire des moyens entrepreneurs dans les activités de vente de semences de coquillages, voire dans la culture même de coquillages en grande partie voués à l’exportation des produits de la mer.
Conclusion.
Cette croissance spectaculaire des nouveaux noyaux de l’économie chilienne d’exportation a permis une modernisation rapide de l’ensemble de la société chilienne, le développement énorme des couches moyennes, une réduction de la pauvreté à des taux à peine supportables pour l’ensemble de la société, sans pour autant l’éliminer complètement. Donc, réussite d’un type de développement dans le néolibéralisme, mais accompagnée plus que jamais d’un profil profondément inégalitaire. Derrière une spectaculaire croissance, le Chili est classé par les agences internationales entre les pays les plus inégalitaires au monde.
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[1] FAO, El sector frutícola en Chile. Santiago.
[2] Derniers Recensements agricoles et du bétail.
[3] ODEPA, Classification des exploitations agricoles du VIème Recensement National Agricole selon le type de producteur et la localisation géographique. Document de travail n° 5, avril 2000.
[4] Roberto Santana Ulloa, Agricultura chilena en el siglo xx : contextos, actores y paisajes agrícolas. Centro de Estudios Históricos Diego Barros Arana, Biblioteca Nacional, Santiago. 2006.
[5] Echeñique et Gómez, La agricultura chilena : Las dos caras de la modernización, Flacso/Agraria. Santiago. 1988.
[6][6] CEPAL: Comercio y crecimiento en Chile: realizaciones del pasado perspectivas para el futuro, LC/L 1103. 12 marzo 1998.
[7] Roberto Santana Ulloa, Agricultura chilena en el siglo XX : contextos, actores y espacios agrícolas. Centro de Estudios Diego Barros Arana, Biblioteca Nacional. Santiago. 2006.
[8] Jorge Morales, El desarrollo forestal en Concepción, (región de Bio-Bio). GEA, serie Abriendo Caminos, 1989.
[9] Source : www.agrochileperu.com/www.oiv.int
[10] José del Pozo, Historia del vino chileno. Editorial Universitaria. Santiago, 1998. Colección Imagen de Chile.
[11] SERNAP, Service National de la pêche. X région, 1995.
[12] Saumon Chili, organisation patronale du secteur qui représente 60 % de la production. Doc. 2022.
[13] https://lvsl.fr/en-finir-avec-le-miracle-economique-chilien/
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